samedi 10 octobre 2015

14 février 1945: le pacte du Quincy

Le 14 février 1945, le Pacte du Quincy est scellé à bord du croiseur USS Quincy entre le roi Ibn Seoud, fondateur du Royaume d'Arabie Saoudite et le président américain Franklin Roosevelt. D'une durée de 60 ans, cet accord a été renouvelé en 2005 par le président George W. Bush.

Vous trouverez ci-dessous un extrait d'article revenant sur ce pacte publié dans L'Orient et le jour cet été et rédigé par Anthony Samrani.


Le jour où Roosevelt et Ibn Saoud ont scellé le pacte du Quincy...

Dessin illustrant l'alliance américano-saoudienne, réalisé par Ivan Abou Debs, étudiant à l'Académie libanaise des beaux-arts (Alba).

À peine la conférence de Yalta terminée, le président américain s'envole pour Le Caire où il embarque à bord du croiseur Le Quincy. Le chef d'État tétraplégique profite de l'occasion pour s'entretenir avec Ibn Saoud d'Arabie sur deux sujets : l'immigration des juifs en Palestine et surtout le... pétrole.

Égypte, 14 février 1945. Le Quincy, grand vaisseau de guerre américain, navigue sur les eaux du canal de Suez. À son bord, deux hommes, que tout ou presque devrait opposer, négocient les bases d'une alliance qui va bouleverser la géopolitique du Moyen-Orient. D'un côté, le plus grand président américain de son siècle, Franklin Delano Roosevelt. De l'autre, le fondateur du royaume d'Arabie saoudite, Abdel Aziz ibn Abdel Rahmane al-Saoud.

Quelques jours avant cette rencontre, Roosevelt est à Yalta aux côtés de Joseph Staline et de Winston Churchill. La légende – pas tout à fait exacte sur le plan historique – veut que les Soviétiques, les Britanniques et les Américains aient décidé du « partage du monde » à cette occasion, en l'absence du général de Gaulle, qui n'était pas convié. À peine la conférence de Yalta terminée que le président américain s'envole pour Le Caire où il embarque à bord du Quincy. Il profite de l'occasion pour s'entretenir avec « les trois rois » : Farouk d'Égypte, Hailé Sélassié d'Éthiopie, surnommé le Négus, et ibn Saoud d'Arabie. Avec ce dernier, il aborde principalement deux sujets : l'immigration des juifs en Palestine et surtout le... pétrole.

(...) Au Moyen-Orient, le temps de l'épice et de la soie, qui a fait la renommée des échelles du Levant, est révolu. C'est l'odeur pestilentielle du pétrole qui imprègne déjà la région.

Deux hommes que tout oppose
Il faut dire que rien ne rapproche, a priori, les deux hommes. Le premier, riche héritier d'une famille new-yorkaise, vient d'entamer son quatrième mandat en tant que président des États-Unis. Une présidence pendant laquelle il a dû gérer une partie des moments les plus difficiles de l'histoire américaine : les séquelles de la crise de 1929, l'entre-deux-guerres, la montée des totalitarismes dans les années 30, l'attaque japonaise contre Pearl Harbor, l'entrée en guerre des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale... À chaque fois, l'homme affronte les événements avec courage et lucidité. En 1945, il n'a pas marché depuis bientôt 20 ans. Pourtant, que ce soit devant ses acolytes à Yalta ou à bord du Quincy, il se tient comme un empereur visionnaire, alliant subtilement sagesse et puissance.

Le second est le premier souverain moderne de l'Arabie saoudite, le fondateur du troisième État saoudien.  (...)

Pétrole contre sécurité
Ce qui unit les deux hommes, c'est leur besoin essentiel de ce que peut leur procurer l'autre. Pragmatiques, ils concluent un pacte pour une durée de 60 ans. Aux États-Unis, l'assurance de pouvoir exploiter le pétrole saoudien. Aux Saoudiens, celle d'être protégés par le parapluie américain. L'une des alliances les plus improbables, mais pourtant des plus pérennes, de cette deuxième partie du XXe siècle. L'alliance entre le nouveau leader du monde occidental, parangon de liberté, de démocratie et de modernité, et le régime théocratique d'Arabie saoudite, nouvel épicentre du Golfe et symbole de rigorisme et d'hermétisme.

Le fameux pacte du Quincy, signé le 14 février 1945, tient en cinq points :
– Ibn Saoud n'aliénait aucune partie du territoire, les compagnies concessionnaires ne seraient que locataires des terrains.
– La durée des concessions est prévue pour 60 ans. À l'expiration du contrat (en 2005 !) les puits, les installations et le matériel reviendraient en totalité à la monarchie. À l'échéance, le contrat a été prolongé pour une nouvelle période similaire.
– Par extension, la stabilité de la péninsule Arabique fait partie des intérêts vitaux des États-Unis.
– Le soutien américain concerne non seulement sa qualité de fournisseur de pétrole à prix modéré mais aussi celle de la puissance hégémonique de la péninsule Arabique.
– Les États-unis garantissent la stabilité de la péninsule et plus largement de l'ensemble de la région du Golfe sous forme d'assistance juridique, militaires dans les contentieux opposant les Saoud aux autres émirats de la péninsule.

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